Pourquoi l’épuisement des enseignants est une urgence citoyenne
4 %.
C’est la part des enseignants français qui se sentent valorisés dans leur métier.
Pas 40.
Pas 14.
Quatre.
Un chiffre glaçant pour une profession que l’on qualifiait encore, il n’y a pas si longtemps, de “plus beau métier du monde”.
Et ce vendredi, ils bouclent une année de plus. Une année intense, difficile, souvent épuisante. Une année à porter, tant bien que mal, une école qu’on appelle « de la République », mais que l’on traite comme une garderie d’urgence.
Enseigner en 2024 : un métier en tension permanente
Enseigner aujourd’hui, c’est faire face :
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À des écarts de niveaux qui explosent.
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À des absences non remplacées.
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À une violence scolaire trop souvent banalisée.
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À des injonctions ministérielles changeantes.
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À des élèves qui décrochent.
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À des parents qui doutent, qui s’interrogent, voire qui remettent en question le travail de l’enseignant.
C’est aussi faire classe dans un contexte où l’on se sent de plus en plus seul, peu soutenu, peu écouté.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Les données récentes sont alarmantes :
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64 % des enseignants de collèges et lycées ont envisagé de démissionner au cours des deux dernières années.
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84 % se déclarent en colère.
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Pour la rentrée 2025, 2 610 postes n’ont pas été pourvus aux concours.
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91 % des enseignants se disent épuisés.
Ce ne sont pas seulement des indicateurs RH. Ce sont les signes d’une profession en ruine émotionnelle.
Et pourtant… ils tiennent
Malgré tout cela, ce matin encore :
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Ils ont fait chanter les enfants.
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Ils ont révisé les dernières leçons.
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Ils ont rangé les affiches de classe.
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Ils ont mis un point final à une année qu’ils ont rendue possible.
Parce qu’un professeur n’est pas un simple prestataire de service public.
C’est un tisseur de récits, un repéreur de talents, un amortisseur de crises familiales, un allumeur d’étincelles.
Et s’ils tiennent encore, ce n’est pas grâce au système.
C’est grâce à leur conscience professionnelle, leur vocation, leur humanité.
Mais pour combien de temps encore ?
Poser les vraies questions
On accuse parfois les enseignants de se plaindre. On leur reproche leurs congés. Leur manque de souplesse. Leur “résistance au changement”.
Mais posons-nous, honnêtement, ces deux questions :
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Qui peut encore donner le meilleur de soi quand on se sent inutile, méprisé, ou repris sur son travail par des personnes qui ne partagent ni la formation ni l’expérience du métier ?
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Que ferait-on, nous, si 96 % de nos collègues se déclaraient désabusés et fatigués ?
L’École n’est pas en manque de réformes.
Elle manque de reconnaissance, de vision, de respect.
Elle manque surtout d’un ingrédient fondamental : la confiance.
Avant de réformer l’École, il faut réparer les enseignants
Revaloriser les enseignants, ce n’est pas seulement une affaire de salaires.
C’est une urgence citoyenne.
Aujourd’hui, la priorité n’est pas :
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De revoir une énième fois les programmes.
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De multiplier les groupes de niveaux.
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Ou même de dédoubler les classes.
La priorité, c’est de réparer les femmes et les hommes qui font tenir le système.
Parce qu’aucune réforme ne tiendra si ceux qui la portent sont à bout.
Parce qu’on ne peut pas élever les élèves si l’on écrase leurs professeurs.
Prendre soin de celles et ceux qui font l’École
Pour qu’une école fonctionne, ses enseignants doivent s’y sentir bien.
Ils doivent être écoutés, reconnus, respectés.
Pas uniquement à travers des circulaires.
Mais par des actes concrets.
Des moyens réels.
Des signaux forts.
Parce qu’on ne bâtit pas une école vivante sans prendre soin de ceux qui la construisent : des humains.
Et vous ?
Avant de partir en vacances, posez-vous cette question :
Que feriez-vous, vous, pour que ce 4 % devienne 40 % ?
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