Écrans et enfants : pourquoi l’urgence, c’est d’agir, pas d’interdire
Ces derniers jours, les médias ont multiplié les alertes sur les dangers des écrans :
État d’urgence numérique, TikTok en noir et blanc, couvre-feu digital…
Le constat est dur, mais juste : l’exposition excessive aux écrans abîme.
Mais interdire ne suffira jamais, si rien d’autre ne change et si l’on n’éduque pas.
Ce qui choque le plus dans cette séquence médiatique, c’est le silence.
Car tout a déjà été dit, dans un rapport de grande qualité.
Un rapport complet… resté lettre morte
Le 24 avril 2024, la Commission Écrans a remis au président de la République un rapport remarquable.
Six mois de travail, plus de 200 personnes auditionnées, 29 recommandations concrètes.
Un cap clair, construit par des experts reconnus : neurologues, psychiatres, chercheurs, juristes, enseignants.
Le rapport pointait des réalités incontournables :
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Les enfants sont surexposés dès la maternelle.
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Les écrans nuisent au sommeil, à la vue, à la santé mentale et physique.
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L’addiction aux écrans n’est pas officiellement reconnue, mais les mécanismes d’enfermement sont bien là.
Et surtout : la solution n’est pas la peur, mais l’éducation.
Ce que recommandait la commission
Parmi les propositions fortes :
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Pas d’écran avant 3 ans
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Pas de smartphone avant 11 ans, et sans Internet jusqu’à 13
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Accès aux réseaux sociaux à 15 ans, sur des plateformes éthiques
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Suppression de l’ENT en primaire, et désactivation de Pronote le soir
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Éducation à la santé numérique dès la maternelle
Et pourtant, depuis la remise du rapport ?
Silence total. Aucune mise en œuvre.
Un PDF hébergé sur un serveur de l’Élysée… puis plus rien.
Les outils existent déjà
Il ne s’agit pas de tout inventer.
De nombreuses ressources sont déjà disponibles :
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Les repères 3-6-9-12 de Serge Tisseron
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Le programme Famille tout écran du CLEMI
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Internet Sans Crainte, porté par Tralalere
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Les guides pratiques de l’UNAF
Mais qui les connaît ? Qui les diffuse ? Qui les finance ?
Et surtout : qui parle vraiment aux enfants ?
Pas à leur place. Avec eux.
Parce que pendant que les adultes débattent dans les médias,
les enfants vivent avec une moyenne de 10 écrans par foyer,
dormant moins, bougeant moins, parlant moins.
Et quand ils cherchent des réponses, ils ne tombent pas sur des adultes formés, mais sur des vidéos YouTube ou TikTok.
Ce qu’il faut faire maintenant
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Appliquer enfin les 29 recommandations de la Commission Écrans
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Former massivement parents et éducateurs aux enjeux du numérique
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Introduire une éducation au numérique dès la maternelle, avec des initiatives comme COLORI
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Encadrer l’accès aux réseaux sociaux avant 15 ans, mais en accompagnant, pas en punissant
Ce n’est pas une urgence médiatique, c’est une responsabilité politique
Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’un état d’urgence numérique.
Ce dont nous avons besoin, c’est de passer à l’acte.
La protection des enfants ne passera ni par les effets d’annonce, ni par des coupures de Wi-Fi à 22 h.
Elle passera par de l’écoute, de l’éducation et de l’action.
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