Pourquoi les filles décrochent des maths dès le CP (et comment y remédier)
Rentrer au CP, c’est souvent synonyme d’apprendre à lire, écrire… mais pas toujours à aimer compter.
Pendant longtemps, j’ai cru que les mathématiques et moi étions incompatibles.
Et pourtant, j’aime profondément les chiffres, les statistiques, les données.
En travaillant sur les compétences humaines, j’ai compris que ce blocage ne venait pas d’un manque de logique ou de capacités, mais de notre culture.
Une culture qui ne valorise pas le processus d’apprentissage
En France :
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On célèbre ceux qui réussissent du premier coup.
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On attend la bonne réponse, immédiatement.
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On valorise la performance, pas l’effort.
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On apprend aux enfants à éviter l’échec, au lieu d’en faire un levier d’apprentissage.
Résultat : on cultive une peur de se tromper, au lieu d’un goût d’apprendre.
Le fameux growth mindset – cet état d’esprit qui considère l’erreur comme une étape vers la réussite – est quasi absent de nos salles de classe. Et c’est particulièrement vrai en mathématiques.
Les maths, une matière aussi émotionnelle que rationnelle
On oublie trop souvent que les mathématiques génèrent du stress, de la comparaison, du doute, voire un sentiment d’infériorité.
Mais qui aide les enfants à accueillir ces émotions ?
À dire “je ne comprends pas… encore” ?
À persévérer au lieu de conclure “je suis nul·le” ?
À 6 ans, des milliers de filles décrochent déjà, persuadées qu’elles ne sont pas faites pour ça.
Une étude inédite sur 2,65 millions d’élèves
C’est ce qu’a démontré Pauline Martinot, médecin et neuroscientifique, avec son équipe.
Ils viennent de publier la plus grande étude jamais menée en France sur le sujet :
2,65 millions d’élèves de CP et CE1, suivis entre 2018 et 2022.
Les résultats sont édifiants :
1. À la rentrée du CP, filles et garçons ont le même niveau en mathématiques.
2. Quatre mois plus tard, les garçons prennent l’avantage.
3. Un an plus tard, l’écart a quadruplé.
Et ce n’est pas biologique.
C’est culturel et pédagogique.
Une mécanique de décrochage qui commence tôt… et en classe
Les stéréotypes de genre s’installent dès le CP.
Les garçons sont davantage interrogés, encouragés à prendre des risques, à persévérer.
Les filles, elles, sont souvent freinées par la peur de l’erreur.
Même les manuels scolaires, les exercices chronométrés, les attentes implicites des adultes contribuent à renforcer l’idée que “les maths, ce n’est pas pour elles”.
Le constat le plus frappant : pendant le confinement de 2020, quand l’école s’est arrêtée, l’écart entre filles et garçons a cessé de se creuser.
Un signal fort. Sans pression extérieure, les filles reprennent confiance.
Pourquoi c’est grave ?
Parce que ce décrochage précoce :
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Influence les choix d’orientation.
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Ferme des portes dès l’école primaire.
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Pousse des filles brillantes à se censurer.
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Les éloigne durablement des filières scientifiques, du code, de la recherche, des métiers du futur.
Quelles solutions concrètes ?
Nous avons les données. Nous avons les leviers. Nous avons les solutions.
Voici 5 pistes essentielles :
1. Former les enseignants à repérer et corriger les biais inconscients.
2. Valoriser l’effort et la progression, plutôt que la bonne réponse immédiate.
3. Montrer davantage de figures féminines dans les contenus scientifiques.
4. Apprendre aux filles à gérer leurs émotions face à l’échec, à oser, à se tromper, à persévérer.
5. Encourager tous les enfants à explorer les maths sans assignation de genre.
Une responsabilité collective
Faire croire aux filles dès 6 ans qu’elles ne sont “pas faites pour les maths”, c’est leur dire qu’elles ne sont pas faites pour coder, chercher, construire, diriger.
C’est inacceptable.
Réconcilier les enfants avec les mathématiques, c’est plus qu’un enjeu scolaire.
C’est un enjeu d’égalité, de justice et d’avenir.
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